Trois jours. Voilà trois jours qu’il était embusqué en haut de cette tour ouverte à tous les vents, à attendre de voir passer sa future victime. Trois jours qu’il mangeait des boites de raviolis froids de peur de se faire repérer à cause de la fumée d’un feu. Le gargouillis de son estomac devenait de plus en plus désagréable. Trois jours que les pigeons de ce maudit monde le prenaient pour perchoir et qu’il n’avait pas bougé d’un pouce pour ne pas se faire repérer. Sa combinaison au départ noire était devenue toute blanche et dégageait une forte odeur.
Mais tout cela n’avait que peu d’importance. Sa cible n’allait pas tarder à sortir de son palais. Ce pseudo prophète qui annonçait à qui voulait l’entendre que l’Empereur revenait et qu’il nommerait son héritier sur cette planète devait mourir. Jusque là personne ne l’avait encore écouté, mais un des scribes de l’Administratum avait jugé nécessaire de le réduire au silence, il y avait de ça quinze ans, le temps que l’ordre arrive jusqu’à lui de venir l’assassiner.
J’ai faim bordel ! Quelque chose de chaud ! Il avait passé un mois sur la planète pour élaborer son plan. Il avait vite abandonné son idée de se faire passer pour un habitant du coin, car il ne parlait pas leur langue et son dictionnaire de traduction simultanée semblait déficient, après deux rixes dans des bars mal famés il avait décidé de se mettre en planque.
Le premier informateur convaincu de l’aider l’avait mal renseigné. Il avait échappé de peu à un vide-ordures, une meute de créatures ressemblant à des porcs et au service de sécurité de la ville.
Note personnelle, ajouter une cible prioritaire numéro deux sur ma liste. Et voilà trois jours qu’il était embusqué dans cette tour, tenaillé par la faim, transi dans cet endroit glacial, mais bien décidé à supprimer le faux prophète.
Eternuement.
Non, pas maintenant ! Quelqu’un m’a entendu ? Silence. Personne. Pas de mouvement.
Tout va bien. J’ai faim bordel. Ah, du mouvement. En bas sur la place une petite garde se formait pour accueillir un personnage important. Le prophète. Préparer le fusil, vite. Clic. Le fusil s’est enrayé.
Maudits pigeons ! Nettoyer le fusil, vite. Un rapide coup d’œil au Prophète pour ne pas le perdre de vue.
Bon, tout va bien, ce n’était pas lui. Attendre de nouveau. L’escorte était pour un mariage.
Qu’est ce qu’il a réussi à réunir comme personnalités ce prophète. L’indic ne me l’avait pas dit. Il lui avait juste dit que le Prophète se trouvait à la Cour des Miracles. Une supercherie sans doute organisée pour duper les fidèles de l’Empereur en leur faisant croire à des merveilles. Mais ce faux prophète ne sévirait plus longtemps. L’assassin était là pour s’en assurer.
Du mouvement en bas. Le prophète, sans aucun doute possible. Réarmer le fusil, vite. En joue.
Mais pourquoi il passe par là ? Erreur de parcours. Le prophète a tourné du mauvais coté de la tour. Vite. Une volée de marches et un couloir à toute vitesse pour aller se poster sur l’autre façade. Le fusil ! Demi-tour, le couloir, la volée de marche, puis même course un peu moins rapide, encombré par le fusil.
Du calme. Respirer doucement… ralentis ton cœur… Il approche. Le prophète passe en haut de la rue. Portant des robes de couleurs et de l’or à profusion, facilement repérable.
Une voix.
Alors petit, qu’est-ce que tu fais là ? Un garde ! Réflexes surhumains, l’assassin se retourne pour disposer de son nouvel adversaire, le couteau à la main. Second réflexe surhumain, sortir la lame de son fourreau.
Bon, le garde c’est fait, une médicapsule vite, puis le prophète. Trois côtes fêlées, le nez qui saigne. La médicapsule fait son effet rapidement. Retour à la fenêtre.
Qu’est-ce que… Une rixe en bas. Le Prophète est en train de se battre avec une bande en guenilles. Fusillade. Le service de sécurité arrive. Une grenade. Tout le monde au sol. Le Prophète semble ne pas se relever.
…
Echec de la mission. Ce n’était pas le Prophète, personne n’a entendu parler de lui ici. Le service de renseignements de l’Inquisiteur n’était pas si efficace que ça.
Je ne peux pas retourner là-bas, ils m’accuseront d’avoir failli à ma mission, je suis perdu. Une voix avinée.
Hé mon Prince. Zauriez pas une p’tite pièce pour un prophète ?
Prophète ?Allez siouplait. C’est pour fêter l’retour d’l’Emp’reur. Y va rev’nir que j’vous dis. ...